6 citations tirées de La Vie sans fards de Maryse Condé

Hola, je vous retrouve aujourd’hui pour vous parler de mon dernier coup de cœur « lecture » : la Vie sans fards de Maryse Condé. J’ai lu ce livre dans le cadre du club de lecture en ligne Sapotille (compte Instagram : sapotille_bookclub) que je vous conseille d’ailleurs si vous vous intéressez à la littérature afro au sens large et/ou afro-caribéenne.

La Vie sans fards est une autobiographie de l’autrice guadeloupéenne Maryse Condé, décédée en avril dernier. Dans ce livre, elle raconte sa vie de jeune femme adulte au moment où elle décide de s’installer en Guinée alors qu’elle était étudiante à Paris. On découvre ainsi sa quête d’identité en Afrique (en plus de la Guinée, elle s’installa en Côte d’Ivoire, au Ghana puis au Sénégal), sa vie de mère de famille nombreuse (avec 4 enfants), ses histoires d’amour mais aussi sa naissance en tant qu’écrivaine.

J’ai beaucoup apprécié les thématiques de ce livre qui sont pour moi très actuelles et font écho à des sujets que j’aborde ici sur mon blog. Je vous partage une partie de ces thématiques sous forme de 6 citations tirées du livre :

Le rapport à la maternité

« Les lecteurs me demandent souvent pourquoi mes romans sont remplis de mères qui considèrent leurs enfants comme des poids trop lourds à porter, d’enfants qui souffrent d’être mal aimés et qui se replient sur eux-mêmes. C’est que je parle d’expérience. J’aimais profondément mon fils. Cependant, non seulement sa venue avait détruit les espoirs qui faisaient la base de mon éducation, mais j’étais incapable de subvenir à ses besoins. En fin de compte, mon comportement à son égard pouvait sembler celui d’une mauvaise mère »

J’ai beaucoup aimé la sincérité avec laquelle Maryse Condé raconte les difficultés inhérentes à la maternité, d’autant plus lorsqu’on est une mère seule précaire qui élève 4 enfants. J’ai ressenti beaucoup d’empathie pour elle parce que contrairement à nous, la maternité à son époque était beaucoup moins un choix qu’il ne l’est aujourd’hui. Des membres du club lecture ont affirmé à juste titre que son récit rappelait celui d’une femme potomitan, c’est-à-dire la figure antillaise d’une mère courage qui élève seule ses enfant parfois de pères différents et qui doit concilier travail et famille. Si ce titre de femme potomitan est élogieux à première vue, Maryse Condé met en lumière à quel point ce rôle peut être lourd à porter. De plus, elle est issue d’un milieu bourgeois où cette figure de la femme potomitan est dépréciée.

Être un.e Noir.e pas comme les autres

« Mon père et ma mère se targuaient orgueilleusement d’être de « Grands Nègres ». Ils entendaient par là qu’ils avaient pour mission de servir d’exemple à leur Race toute entière »

Cette citation résonne avec un article que j’ai écrit sur ce blog : « être un.e Noir.e pas comme les autres ». En effet, Maryse Condé est issue d’une famille noire bourgeoise. Ses parents lui ont appris à s’assimiler à la culture française et à être une Noire pas comme les autres. Malheureusement, nombreuses sont les personnes noires qui intériorisent une vision extrêmement péjorative de leur identité (à cause de leur éducation familiale comme en parle Maryse Condé mais aussi plus largement de la société) et qui pour s’en sortir se construisent en tant qu’exception. Quand je dis « s’en sortir », je parle de fuir cette violence qui assigne notre identité à l’infériorité. Maryse Condé explique qu’elle a dû parcourir un long chemin pour se réconcilier avec son identité noire. Je vous recommande donc cette autobiographie si vous aussi, vous n’êtes pas totalement en paix avec votre identité noire.

La diversité des identités noires

« Cependant, les Afro-Américains ne se mêlaient pas aux Ghanéens. Ils se constituaient en caste supérieure, protégés qu’ils étaient par les postes considérables qu’ils occupaient et leurs hauts salaires. Plus j’allais, plus je constatais que la Négritude n’était qu’un grand beau rêve. La couleur ne signifie rien »

J’adore cette citation car elle rappelle encore une fois que les personnes noires ne forment pas une masse uniforme. Nous avons une diversité d’origines ethniques, de classes sociales, de parcours de vie, de personnalités et ainsi de suite. Ici, cette citation met en évidence que malgré leur couleur de peau commune, les Afro-Américains et les Ghanéens ne partagent pas grand-chose. En revanche, je considère que le mouvement de la Négritude part du constat juste que nous partageons dans une société raciste, indépendamment de notre volonté, l’expérience du racisme que nous subissons. Cela étant admis, l’enjeu est de savoir si les personnes noires sont capables et ont l’envie de s’unir politiquement dans la lutte contre la négrophobie dont elles sont victimes. C’est peut-être à ce propos que Maryse Condé affirme que la Négritude n’est qu’un grand beau rêve.

La déconstruction des clichés sur l’Afrique

« Au fond, au fin fond de l’esprit des « vieux colonisés » comme les Caribéens et les Noirs américains, quoiqu’ils s’en défendent, est-ce qu’il ne traînait pas une bonne dose d’arrogance vis-à-vis de l’Afrique dont ils ne parvenaient jamais à se défaire ? »

« Au moins, j’avais à présent intégré une notion simple, une notion à laquelle personne ne pensait suffisamment : l’Afrique est un continent. Il est composé d’une diversité de pays, c’est-à-dire de civilisations et de sociétés »

Cette thématique est très inspirante pour les personnes afro-antillaises mais aussi pour toutes les personnes ayant des origines africaines mais n’ayant pas grandi dans un pays africain. Maryse Condé a reçu une éducation coloniale très méprisante vis-à-vis de l’Afrique. Comme dit précédemment, elle est parvenue à se détacher de cet héritage colonial pour embrasser son identité noire mais la déconstruction est un travail très ardu. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait gardé inconsciemment des préjugés coloniaux sur l’Afrique. En outre, dans son processus de réappropriation de son identité noire, elle a commis l’erreur de sur-idéaliser l’Afrique en pensant que ce continent pouvait être un refuge pour elle. Son long séjour dans plusieurs pays africains lui a permis de prendre ses distances avec cette vision mythifié de l’Afrique pour la percevoir de manière plus juste : un continent avec une diversité de pays qui ont leurs qualités et leurs défauts.

La découverte de l’altérité noire

« Paris n’était pas comme pour ma mère la Ville-Lumière, la capitale du monde. C’était le lieu où j’avais brutalement découvert mon altérité. A ma manière, j’y avais connu « cette expérience vécue du Noir » que relate Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs »

Cette thématique est mineure dans le livre mais elle m’est chère. En tant que personne noire ayant grandi en Europe, j’ai toujours su que j’étais « à part », « différente », « pas comme les autres » mais puisque c’est la réalité que j’ai toujours connu, je l’avais totalement normalisée. C’est pourquoi j’aime beaucoup écouter et lire les récits de personnes qui se sont découvertes noires en arrivant en Europe. J’en apprends beaucoup sur moi à travers leurs récits.

J’espère que cet article vous a donné envie de plonger dans cette belle lecture et d’en savoir plus sur cette grande femme qu’est Maryse Condé 🤎.  

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