Ce que j’aurais aimé apprendre à l’école

J’ai à plusieurs reprises dénoncé sur ce blog le déni du racisme en France. Un déni qui se manifeste dans les discours politiques et médiatiques, les conversations entre potes, au travail, etc. En cette période de rentrée scolaire, je me suis demandée : qu’en est-il de l’école ? L’école est censée nous enseigner l’histoire de France, ce qui implique de traiter son sombre passé esclavagiste et colonial. En toute logique, elle ne peut mettre ce sujet sous le tapis. L’école est-elle alors à la hauteur de ce rôle ?

Pour ma part, je me souviens avoir reçu des cours sur l’esclavage et la colonisation pour la première fois au collège mais cela restait assez superficiel. Au lycée, les cours étaient beaucoup plus poussés. Je me rappelle en particulier d’une vidéo que ma prof d’histoire nous avait fait regarder sur « les mains coupés » du Congo. C’était la première fois que j’entendais parler de cet horrible épisode de l’histoire qui m’a glacée le sang. Je n’avais jamais été aussi frappée par la violence de la colonisation.

L’une des choses que je regrette dans cet enseignement au collège et au lycée est de ne pas nous avoir expliqué en quoi cette histoire façonne notre présent et notamment le racisme dans la société française actuelle. Évidemment, je m’en doutais un peu mais je n’avais pas pris conscience à quel point il y avait une continuité entre ce passé et notre présent. J’avais aussi l’impression à travers cet enseignement que la colonisation était un événement isolé dans l’histoire de France. En bref, je trouve que ces cours ne m’ont pas permis de porter un regard critique sur cette histoire. Heureusement, j’ai pu me rattraper lors de mes études supérieures en sciences politiques où j’ai eu des cours précieux sur l’histoire coloniale française. Nous avions des exposés toutes les semaines sur un pan de cette histoire où l’on nous encourageait à développer un esprit critique. Bien sûr, je n’attends pas le même niveau d’exigence d’un cours de lycée que d’un cours d’études supérieures mais je pense que c’est tout à fait à la portée d’un.e collégien.ne ou d’un.e lycéen.ne de comprendre ces enjeux. D’ailleurs, sur mon blog, à chaque fois que je traite d’un événement historique (par exemple l’histoire du français-tirailleur), je le rattache au présent car en général, ce qui se jouait dans le passé est toujours à l’œuvre aujourd’hui sous une forme différente.

Dans mes recherches sur la place de l’esclavage et la colonisation dans les programmes scolaires, je suis tombée sur l’ouvrage de l’historienne et enseignante Laurence de Cock, Dans la classe de l’homme blanc – l’enseignement du fait colonial des années 1980 à nos jours (2018). Selon l’historienne, l’enseignement du fait colonial (c’est-à-dire la question coloniale au sens large) dans les programmes scolaires français est un sujet éminemment sensible qui agite les débats publics car il interroge les idéaux et valeurs républicains de la France, dont l’universalisme. « Un paradoxe est manifeste : comment convaincre du caractère universel des valeurs et principes républicains en donnant à voir leur violation légitimée par cette même République ? ». La question est d’autant plus délicate que parmi les élèves de l’école française, se trouvent des descendants des anciennes colonies françaises, dont on redoute la réaction que pourrait susciter l’enseignement du fait colonial. Dans ce livre, l’autrice analyse également comment le rapport de l’État français à son passé colonial, ainsi que la place de l’immigration dans le débat public et politique ont structuré l’évolution de l’enseignement du fait colonial dans les programmes scolaires. J’avoue que je ne vais pas m’aventurer à vous en dire plus parce que pour l’instant, j’ai seulement lu des extraits du livre 😂 mais je trouvais important d’aborder ce sujet en pleine rentrée scolaire pour souligner que tout ce qu’on apprend à l’école n’est pas neutre.

Références

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