Se (re)construire dans un monde coloriste #3

Vous l’aurez compris, le colorisme a des effets dramatiques sur l’estime des personnes noires au teint foncé. S’il peut rebooster la confiance de celles et ceux qui en bénéficient, cela se fait au détriment des autres et vous conviendrez que ce n’est pas une bonne chose à encourager ! Je ne voulais pas vous laisser sur les constats déprimants des parties 1 et 2 de cet article, et j’ai donc réfléchi à des solutions pour s’élever contre le colorisme.

1. S’éduquer sur le colorisme

Si le colorisme se perpétue, c’est parce qu’il est solidement enraciné dans nos sociétés et banalisé. Pendant longtemps, j’ai subi et reproduit du colorisme sans en comprendre l’origine et la violence, et souvent inconsciemment. M’éduquer sur le colorisme a ainsi été un premier pas décisif pour prendre conscience de ce système et m’en défaire.

Par s’éduquer, j’entends remonter aux sources du colorisme et étudier la manière dont nos ancêtres en ont souffert, mais aussi la manière dont il a profité à la suprématie blanche.

S’éduquer sur le colorisme, c’est aussi comprendre qu’il s’agit d’un problème de société. On n’est pas juste en train de se disputer entre frères et sœurs pour savoir qui sera le plus beau ! Le colorisme est en effet responsable de l’industrie des produits éclaircissants (particulièrement néfastes pour la santé), de discriminations sur le marché du travail, et d’inégalités socio-économiques.

Enfin, s’éduquer sur le colorisme, c’est écouter les témoignages et les récits de personnes noires sur leur expérience du colorisme. Pour ma part, j’ai commencé à le faire il y a quelques années. J’ai ressenti beaucoup de peine en réalisant les blessures que laissait le colorisme, les divisions qu’il créait dans les familles, et en constatant que ces expériences faisaient écho à la mienne que j’avais enfouie.

2. Prendre ses responsabilités face au colorisme

Après avoir compris ce qu’était le colorisme et sa violence, il est indispensable selon moi de prendre ses responsabilités face à ce système. Comme je l’explique tout au long de l’article, le système coloriste continue d’exister car tout le monde le valide constamment, en cautionnant des remarques coloristes, en employant soi-même des expressions coloristes, en valorisant les personnes noires au teint clair, etc. Ce n’est pas évident, car il est complexe de déconstruire un système de valeurs ancré depuis des siècles. On a par exemple longtemps pris l’habitude entre personnes noires de parler de « beaux cheveux » pour parler de cheveux bouclés ou frisés, et les habitudes ne se changent pas du jour au lendemain, même en s’éduquant ! J’ajouterai qu’il est primordial que les personnes noires qui bénéficient du colorisme reconnaissent leurs avantages et leur part de responsabilité dans ce système. Je me souviens d’une dame noire à la peau claire qui m’avait raconté que son mari ne l’aurait jamais aimée si elle n’avait pas eu ses longs cheveux bouclés. Chacun et chacune est bien sûr libre de ses choix mais je considère que c’est à travers ce genre d’actes qu’on se rend complice du système coloriste.  

3. Briser le silence sur le colorisme

Avec le recul, je réalise à quel point le colorisme était omniprésent durant mon enfance et mon adolescence. Pourtant, nous n’en parlions jamais. Je pense qu’il existait une certaine honte chez les victimes du colorisme : la honte d’« avouer » que l’on se sent mal, que l’on se trouve moche, que l’on n’est pas aimé à cause de sa carnation.

Cependant, garder le silence, c’est enfouir toutes les souffrances héritées du colorisme et, parfois, accumuler en soi des frustrations et des rancœurs envers les personnes au teint clair. Or, cela ne permet en rien d’aller mieux.

Avant tout, j’aimerais vous rappeler que vous avez pleinement le droit de raconter et de dénoncer les injustices dont vous avez été victimes. Ensuite, comme dans bien d’autres domaines, prendre la parole est souvent le premier pas vers la guérison. Idéalement, ce sujet devrait être abordé dès le plus jeune âge avec les enfants, afin de briser le cycle du silence et de favoriser une prise de conscience précoce.

4. Cultiver l’Amour de soi

Gardons à l’esprit que le colorisme est une forme de violence inouïe pour les personnes noires à peau foncée. Nous avons été conditionnés à les rejeter, voire à ressentir une forme de dégoût ou de haine à leur égard. Et quand je dis « nous », j’inclus tout le monde, y compris les victimes de ce système, qui en viennent parfois à se rejeter elles-mêmes. Et si l’amour de nous-mêmes était l’un des meilleurs remparts contre le colorisme ? Cultivons cet amour en valorisant les personnes noires à la peau foncée à travers la littérature, le cinéma, les médias, mais aussi dans nos paroles et nos gestes du quotidien !


Sources :

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