Hola, aujourd’hui, je vous fais découvrir l’autrice mozambicaine Noémia de Sousa et son recueil de poèmes Sangue Negro (Sang noir). Je n’ai pas du tout pour habitude de lire de la poésie car c’est un genre littéraire qui me paraît complexe, voire hermétique, et donc difficile à apprécier sans fournir trop d’efforts. Bien sûr, il m’est déjà arrivé d’apprécier quelques poèmes mais de manière générale, je me tourne rarement vers ce genre littéraire. En l’occurrence, c’est une collègue, avec qui je discutais de mon rapport à la poésie, qui a eu la bonne idée de me prêter Sang noir !
Je lui dédie un article, d’une part pour vous faire connaître une figure importante de la lutte contre le colonialisme, Noémia de Sousa, et d’autre part, parce que ses poèmes, ou en tout cas une bonne partie, m’ont marquée par la puissance de leurs mots. Je suis aussi contente de vous parler de littérature mozambicaine, qui est peu visible en France.
L’autrice

Noémia de Sousa est une poète et journaliste née le 20 septembre 1926 à Catembe, au Mozambique sous domination coloniale portugaise et morte le 4 décembre 2002 à Cascais au Portugal. Elle est surnommée « la Mère des poètes mozambicains ». Ses poèmes, composés entre 1948 et 1951, sont engagés contre le colonialisme et revendiquent l’identité noire. Ils circulent à l’époque dans le journal O brado africano, auprès d’autres textes de résistance.
Pour échapper à la répression politique, Noémia de Sousa s’exile à Lisbonne en 1951. Elle y participe activement à la création des mouvements de libération des pays africains, colonies portugaises. Cependant, la dictature la contraint à fuir une nouvelle fois à Paris en 1964. Pendant son exil en France, elle apparaît dans la revue Présence Africaine, dans un numéro consacré à la Nouvelle poésie du monde noir. Elle traduit également en portugais Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire. Elle retourne au Portugal en 1973 pour travailler pour l’agence Reuters. Un an plus tard, la Révolution des œillets met fin à la dictature portugaise et le 25 juin 1975, le Mozambique devient indépendant. Noémia de Sousa confiera sa tristesse de ne pas avoir été conviée à la fête d’indépendance de son pays.
En 2001, quelques mois avant sa mort, l’Association des écrivains mozambicains publie le livre Sang noir, rassemblant ses poèmes. Le recueil compte 46 poèmes, divisés en six parties.
Le recueil de poèmes
Sang noir est une dénonciation de la violence coloniale, de l’esclavage et du racisme, ainsi qu’un appel à la lutte pour l’émancipation. C’est une voix collective, un « nous », qui s’exprime à travers ces poèmes pour réclamer ses droits. Noémia de Sousa y prend la parole au nom de toutes les victimes du régime colonial raciste : les travailleurs exploités, les personnes esclavagisées, les femmes noires et pauvres, les habitants des quartiers périphériques, etc.
J’ai été touchée par la solidarité entre Mozambicains (les mots « frère » et « sœur » sont répétés à plusieurs reprises), qui émane de ses textes, mais aussi au-delà des frontières entre tous les peuples noirs opprimés. Noémia de Sousa rend notamment hommage au mouvement de la Renaissance de Harlem aux États-Unis et célèbre toutes les voix qui s’élèvent contre l’oppression coloniale et raciste. J’ai, par exemple, particulièrement aimé le poème dédié à la chanteuse afro-américaine de jazz Billie Holliday (A Billie Holiday, cantora).
En outre, Sang noir se caractérise par la célébration de la musique (et indirectement de la poésie puisque la poésie est musique). Une thématique qui a fortement résonné en moi. La musique est liberté, résistance et vie. Elle exprime la souffrance des peuples noirs. C’est un lien entre l’Afrique et sa diaspora. J’ai eu un coup de cœur pour le poème Súplica (Supplique), où l’autrice supplie qu’on ne retire pas au peuple colonisé la musique qui a le pouvoir de tout immortaliser, de faire renaître, de libérer !
Enfin, j’ai apprécié la célébration de l’Afrique, que Noémia de Sousa personnifie tout au long du recueil, en l’appelant « Mère ».
Conseils pour lire Sang noir
Ceci étant dit, j’aimerais vous donner quelques conseils pour lire ce recueil de poèmes, si jamais vous décidez de l’acheter et que comme moi, vous n’êtes pas un amateur ou une amatrice de poésie :
- Relisez plusieurs fois chaque poème. Cela vous permettra de mieux les apprécier. Pour ma part, j’ai été souvent obligée d’interrompre ma première lecture de chaque poème afin de comprendre les nombreuses références culturelles mozambicaines, le vocabulaire local et les mots en ronga, qui sont répertoriés dans un glossaire à la fin de l’ouvrage. C’est un peu frustrant mais c’est aussi très riche de découvrir une nouvelle culture !
- N’hésitez pas à étaler votre lecture dans le temps. J’ai pris un mois pour lire ce recueil, ce qui me paraîtrait énorme s’il s’agissait d’un roman ou d’un essai, mais dans ce cas, ça m’a permis de mieux savourer ma lecture.
- Lisez les poèmes à haute voix ou écoutez-les. Vous ressentirez davantage le rythme et la musicalité des poèmes qui font toute leur beauté et leur puissance. En l’occurrence, j’ai eu la chance de trouver des vidéos d’internautes lusophones lisant des poèmes du recueil, dont mon préféré que j’évoque plus haut.
- Acceptez que vous n’apprécierez pas ou ne comprendrez pas tous les poèmes du recueil. Je vous rassure, le recueil est plutôt équilibré dans l’ensemble selon moi mais je veux dire par-là que je n’ai pas eu de coups de cœur pour chaque poème. Certains m’ont beaucoup moins marquée ou ne m’ont pas emportée.
Évidemment, ces conseils sont valables pour lire d’autres recueils de poèmes.
J’espère que cet article vous aura plu. À la prochaine !

