Hola tout le monde ! Aujourd’hui on parle cinéma français. Je grince souvent des dents à la vue des personnages noirs dans les films français. En effet, après avoir visionné de nombreux films, j’en suis arrivée à deux conclusions :
- La représentation des acteurs et actrices noir.es reste limitée.
- Les rôles attribués aux acteurs et actrices noir.es sont encore trop stéréotypés.
Je vais développer ces deux points dans cet article.
Les acteurs et actrices noirs sont avant tout NOIRS au cinéma
Et si ce n’était pas le cas, je ne serais pas en train d’écrire cet article. Malheureusement, il est quasiment impossible pour les acteurs et actrices noir.es de faire abstraction de leur couleur de peau au cinéma. Ils et elles doivent très souvent se cantonner à jouer des rôles de Noir.es, contrairement aux acteurs et actrices blanc.hes qui ont le privilège de pouvoir se projeter dans tous les types de personnages.
Quand on y réfléchit bien, c’est l’essence même du racisme. Il réduit les personnes non-blanches à une partie réelle ou supposée de leur identité, à cause de laquelle elles sont perçues comme étant radicalement différentes et infériorisées. Or, le cinéma français est né à la fin du 19ème siècle, en pleine expansion coloniale. Souvenez-vous, c’était la sombre époque du racisme scientifique et des zoos humains. Il n’était donc pas étonnant que le regard porté sur les personnes noires au cinéma fusse façonné par la colonisation. Certes, les choses ont évolué depuis mais force est de constater qu’aujourd’hui les acteurs et actrices noir.es ne se sont pas parvenus à se soustraire de ce regard colonial.
Ces derniers en témoignent eux-mêmes. Je vous conseille pour cela l’essai Noire n’est pas mon métier, qui rassemble les témoignages et réflexions de 16 comédiennes noires ou métisses. Le titre de l’essai parle de lui-même. J’ai été particulièrement touchée par ces mots de Rachel Khan : « Parce que, pendant des siècles, cette couleur de peau était aussi celle des esclaves, des colonisés, parce qu’elle reste un fantasme exotique ou qu’elle renvoie à une classe sociale pauvre, il faudrait qu’elle raconte encore et toujours cela au cinéma. Il est temps de s’affranchir des chaînes et autres cloisons mentales ».
J’ai lu des tas d’autres témoignages d’acteurs et actrices expliquant qu’on leur refusait des rôles parce qu’on n’avait pas prévu de Noir.es dans le scénario, parce qu’il y avait déjà un.e autre Noir.e dans le film, parce que les gens n’allaient pas réussir à s’identifier, parce que si un.e Noir.e interprète un rôle d’avocat [ou introduisez ici tout autre métier élitiste], ça donne un autre ton à l’histoire, parce que s’il y a trop de Noir.es, ça fait communautariste et le film va mal se vendre,… Bref, des arguments tous aussi racistes les uns que les autres qui ne s’appliqueraient pas aux personnes blanches.
Je pense que la carrière d’Omar Sy, qui est une des personnalités préférées des Français, est caractéristique de cette situation. Bien qu’il ait réussi à tirer son épingle du jeu dans un secteur peu ouvert à la diversité, il est souvent ramené à sa condition de personne noire dans les films. Dans Intouchables, il joue le rôle du délinquant noir de banlieue. Dans Samba, c’est un immigré noir africain. Dans Chocolat, c’est le clown noir. Dans Tirailleurs, c’est le tirailleur noir sénégalais. Sans oublier le rôle du flic noir (De l’autre côté du périph, Le Flic de Belleville, Loin du périph) ou du mec noir drôle et cool.
Cela ne signifie pas pour autant que tous ces films sont mauvais et à jeter à la poubelle. J’ai même à titre personnel apprécié certains d’entre eux mais je suis attristée de réaliser à quel point les opportunités sont limitées pour un acteur ou une actrice noir.e en France.
Le Noir reste un stéréotype au cinéma
C’est la conséquence logique de tout ce que je viens de d’expliquer. Car in fine les acteurs et actrices noir.es français.es sont poussés à incarner ce qu’est une personne noire dans la tête d’un colon raciste. On les réduit donc à des rôles stéréotypés : la mama africaine castratrice, le papa africain énervé, le voyou, la prostituée, la femme de ménage, la nounou, etc. Mais parmi tous ces rôles, il y en a deux que je trouve particulièrement marquants :
Le Noir de banlieue




Ce personnage est généralement associé à la violence et à la délinquance et renvoie à l’imaginaire colonial du Noir sauvage. Pour les femmes, il y a plus précisément le cliché de la femme noire en colère, de la « niafou » vulgaire, bruyante, sans aucune féminité. On le retrouve par exemple dans le film Bande de filles.

Le Noir comique
Il s’agit d’un personnage récurrent dans les comédies françaises. Il est soit drôle, soit cool, soit exotique. Son caractère comique se résume souvent à surfer sur des clichés racistes ou à jouer sur la binarité blanc/noir. Ce personnage ne date pas d’hier puisque le premier personnage et comédien noir du cinéma français s’appelait Rafaël Padilla, plus connu sous le nom Chocolat et était un comique noir qui amusait un public blanc. D’ailleurs, c’est « drôle » (sans mauvais jeu de mots) de voir le nombre d’humoristes afrodescendants qui se sont reconvertis dans la cinéma : Pascal Légitimus, Eric Blanc, Dieudonné, Anthony Kavanagh, Dénis Maréchal, Omar Sy, Thomas N’Gijol, Fabrice Eboué, Eric Judor.
Le pire c’est que je suis convaincue que tous les cinéastes ne cherchent pas délibérément à enfermer les personnes noires dans des cases. Cependant, comme l’affirme Régis Dubois dans l’ouvrage Les Noirs dans le cinéma français, « c’est dans la répétition que naissent les stéréotypes ». Il n’y a certainement rien de mal à ce qu’un film représente un délinquant noir de banlieue mais lorsqu’on se replace dans un contexte plus global, OUI c’est problématique car il s’agit d’un film supplémentaire qui contribue à forger une certaine image des personnes noires en France. N’oublions pas que le cinéma façonne de manière significative notre vision de monde. Ainsi, si la majorité de films français nous dépeignent une image spécifique des personnes noires, on finit par croire que c’est la réalité.
J’attends du cinéma français qu’il fasse preuve de plus de créativité au lieu de perpétuer cette longue tradition de stéréotypes noirs (et ça vaut aussi pour les autres minorités bien sûr) et qu’il reconnaisse le talent de ses acteurs et actrices noir.es, au-delà de leur capacité à jouer des Noir.es.
Sources :
- Nadège Beausson-Diagne et al., Noire n’est pas mon métier. Seuil, 2018. 128 p.
- Régis Dubois, Les noirs dans le cinéma français. Lett Motif, 2016. 246 p.


4 réponses à “Les Noirs dans le cinéma français”
C’était trop intéressant !
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Merci beaucoup ❤️
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[…] https://noiritude.com/2023/04/16/les-noir-es-dans-le-cinema-francais/ […]
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[…] En somme, force est de constater qu’il est aujourd’hui très difficile pour un ou une scénariste française d’imaginer un duo de personnages blanc et noir sans tomber dans la facilité de jouer sur des stéréotypes raciaux. Je pense que le contexte français y est pour beaucoup. On vit encore dans un pays où on demande principalement aux personnes noires d’interpréter des rôles stéréotypés en lien avec leur couleur de peau (cf. mon dernier article sur le cinéma français). […]
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