D’aussi loin que je me souvienne, mes cheveux ont toujours été une source de préoccupation et d’angoisse. On m’a appris très tôt qu’il fallait que je sois bien coiffée pour sortir de chez moi et par « bien coiffée » on n’entendait certainement pas « cheveux naturels » ! J’étais donc convaincue que ceux-ci n’étaient pas présentables, pas normaux et laids. Ma mère ou ma tante me tressaient toutes les vacances scolaires pour s’assurer que je sois « soignée » et « belle » à chaque rentrée. On me défrisait en plus les cheveux pour faciliter au maximum l’opération « tressage ».
J’avais ainsi grandi avec cette réalité et il était impensable pour moi de sortir en n’étant pas « coiffée ». Je me souviens en particulier d’un été où mes cousins m’avaient proposé d’aller jouer dehors. Alors que j’en avais clairement envie, j’avais fermement refusé parce que je ne pouvais pas sortir avec mes cheveux à l’air libre. Bref, je me comportais comme si mes cheveux n’étaient pas légitimes d’exister.

C’est seulement à mes 16-17 ans, après un long travail d’acceptation, que j’ai arrêté le défrisage et que j’ai enfin osé sortir de chez moi sans rajouts, les cheveux naturels au vent. Je ne remercierai jamais assez toutes les créatrices de contenu noires qui m’ont donné la force de sauter le pas.
Toutefois aujourd’hui, presque 10 ans plus tard, je sais que je ne suis pas encore tout à fait libérée des stigmates assignés aux cheveux crépus. Certes, je ne me prive plus de sortir avec mes cheveux naturels mais à chaque fois que je me rends à un lieu où on l’attend de moi que je sois particulièrement belle, élégante et présentable, mes peurs ressurgissent car j’ai intériorisé l’idée que ces trois mots ne rimaient pas avec cheveux crépus. Mon premier réflexe sera donc de chercher une coiffure avec des rajouts pour me rapprocher le plus possible des normes de la société. Lorsque je regarde autour de moi, malheureusement tout tend à valider ce triste constat. Du haut de mes 25 ans, je n’ai vu que rarement des femmes noires arborer leurs cheveux crépus sur un tapis rouge, le jour de leur mariage ou lors d’une autre grande occasion.

De plus, si la société est aujourd’hui plus ouverte aux cheveux crépus, elle n’en reste pas moins très exigeante. Évidemment, toutes les femmes subissent des injonctions à la beauté mais pour les femmes aux cheveux crépus, la course à la perfection est encore plus ardue puisque nos cheveux sont ceux qui s’éloignent le plus des standards de beauté occidentaux. Pour échapper à toute réprobation, les cheveux crépus doivent ainsi être les plus longs possible, les plus volumineux possible, avec en supplément des boucles apparentes bien définies.

Ces critères rigides nous empêchent d’aimer nos cheveux crépus dans tous leurs états. Par exemple, il est encore peu commun de voir des cheveux crépus shrinkés (c’est-à-dire rétrécis, notamment après avoir été en contact avec l’eau) sur les réseaux sociaux ou sur d’autres médias tandis qu’il est tout à fait banal de voir des cheveux lisses mouillés.
Par conséquent, notre charge pour se conformer aux normes de beauté est d’autant plus lourde. Il faut compter le temps passé à dessiner nos baby hair et à plaquer nos cheveux pour les « discipliner », le temps passé à définir nos boucles et à trouver milles et une techniques pour accélérer la pousse de nos cheveux, le temps passé à se préoccuper de savoir si nos cheveux sont suffisamment bien… Ajoutons à cela tous les coûts liés au fait de rendre nos cheveux plus acceptables.
Dernièrement, j’ai lu un article du Washington post qui traite des injections de botox auxquelles ont recours certaines femmes noires pour empêcher leur baby hair de friser. Il s’agit selon moi d’un signe supplémentaire de la pression sociale qui pèse sur les cheveux crépus. Certains et certaines diront que cette charge s’explique par la nature même du cheveu crépu qui exigerait beaucoup d’entretien. Néanmoins, je me demande sincèrement si une grande partie de cette charge ne nous est pas imposée par la société qui peine encore à accepter nos cheveux dans tous leurs états. Le tweet ci-dessous de la bloggeuse BlackBeautyBag me rappelle qu’on a longtemps alimenté le mythe du cheveu crépu maudit en nous faisant croire qu’il requérait des soins interminables.
Pour ma part, j’aimerais être plus insouciante vis-à-vis de mes cheveux. Je me suis punie pendant très longtemps pour ne pas avoir les « bons cheveux » en m’empêchant de sortir comme si j’étais un être bizarre. Ma revanche aujourd’hui serait d’embrasser pleinement ma nature de cheveux. Accepter le fait qu’ils défient la gravité, qu’ils shrinkent, qu’ils sont courts et fins, qu’ils peuvent incarner la féminité, qu’ils peuvent être décoiffés tout comme très élégants… ! En quelques mots, m’autoriser à les porter librement.

Attention, cela ne signifie pas que je vais bannir le port de rajouts de ma routine capillaire, que je ne vais plus jamais définir mes boucles ou plaquer mes cheveux. Cependant, je vais travailler sur moi-même afin que ces pratiques ne soient plus motivées (ou en tout cas le moins possible) par un besoin de rentrer dans le moule de la société.
Je conclue en précisant que cet article m’est très personnel. Je relate ici mon rapport à mes cheveux et les questionnements liés à mon parcours d’acceptation. Voici une liste d’autres références que vous pouvez consulter pour vous faire un avis sur le sujet :
- Article de BlackBeautyBag : Normalisons nos cheveux dans tous leurs états
- Article de Madmoizelle : J’ai appris à aimer mon afro pour montrer l’exemple à ma petite soeur
- Vidéo Youtube d’Honey Shay : PARLONS FRENCH 1 🇫🇷 : Femmes Noires & Perruques 🤫


Une réponse à “M’autoriser à porter mes cheveux librement”
[…] 😂) parle de la dualité entre les cheveux crépus naturels et la perruque. Il me rappelle cet article que j’ai écrit sur la difficulté de porter ses cheveux en tout […]
J’aimeJ’aime