Racisme et amitiés #2 : Comment réagir ?

Hola tout le monde ! La semaine dernière, je vous parlais des problématiques en matière de racisme auxquelles nous pouvions être confrontés en tant que personnes noires dans nos relations amicales. En écrivant cet article, je ne vous cache pas qu’une question m’est venue à l’esprit : « comment a-t-on pu accepter tout ça dans nos amitiés ? ». Pourtant, je suis la protagoniste de plusieurs des anecdotes que j’ai racontées dans l’article. C’est pourquoi il me semblait fondamental de parler dans un deuxième temps de la difficulté de gérer ces situations. Je suis certaine que beaucoup d’entre vous se reconnaîtront.

Zéro culpabilité

J’aimerais commencer cet article en vous encourageant à être doux ou douce avec vous-mêmes. Vous n’avez pas à culpabiliser d’avoir toléré des situations racistes en amitié ou en tout cas qui heurtaient vos sensibilités de personnes noires, et/ou de ne pas avoir réagi ou suffisamment réagi à ces situations. Nous souffrons déjà assez du racisme que nous subissons pour nous flageller de ne pas avoir eu la meilleure réaction 😂!

Premièrement, bien que nous soyons des personnes noires et que nous faisons (en général)  l’expérience du racisme très tôt dans nos vies, le cheminement peut être très long pour poser des mots sur cette réalité et pour conscientiser l’impact destructeur du racisme dans nos vies. Personnellement, je n’ai découvert qu’à la fin de mon adolescence ce qu’était le racisme ordinaire. Auparavant dans mon esprit, le racisme était synonyme de haine et de violence physique. J’avais donc du mal à concevoir qu’une personne amie avec moi puisse avoir un comportement raciste à mon égard, ce qui explique pourquoi je n’ai réalisé qu’a posteriori un certain nombre de situations racistes que j’avais vécues en amitié.

Deuxièmement, le racisme qui régit nos relations intimes est probablement à mon sens le plus perturbant parce que nous aimons nos proches et que nous avons pour cette raison tendance à excuser leurs comportements racistes. Nous savons qu’ils ou elles n’ont pas de mauvaises intentions et qu’ils ou elles agissent certainement par manque d’éducation ou d’empathie sur le sujet.

Troisièmement, en fonction du contexte dans lequel nous évoluons, il peut être très difficile de mettre un terme à ces amitiés, même en ayant conscience du caractère raciste de la situation. Je pense notamment aux adolescents et adolescentes noir.es qui étudient dans des établissements majoritairement blancs où le racisme est totalement banalisé. Cet adolescent en train de se construire devrait-il avoir la force de rompre ses amitiés et de se retrouver dans un état d’isolement ? C’est selon moi mettre beaucoup trop de poids sur les épaules d’un adolescent ou d’une adolescente.

Il y a sûrement plein d’autres raisons pour lesquelles nous sommes amenés à accepter ces situations « inacceptables » mais je vous ai énoncé les trois premières à mes yeux.

Prise de conscience

Pour ma part, c’est mon éducation à l’antiracisme et une plus grande maturité dans mes relations amicales qui m’ont permis de prendre conscience du racisme qui pouvait se manifester dans les amitiés. Cette prise de conscience a été pour moi particulièrement marquante et amère car elle a profondément changé ma vision des relations amicales.

Je sais à présent que des frontières raciales peuvent fragmenter mes amitiés. A chaque fois que je subis un comportement raciste de la part d’un ou d’une ami.e blanc.he, je redeviens une personne noire face à une personne blanche qui reproduit un comportement hérité de notre histoire coloniale. Je redeviens une personne noire sur qui une personne blanche projette une image négative héritée encore une fois de notre histoire coloniale. Je ne peux plus feindre que nous sommes simplement des ami.es qui partagent des centres d’intérêts et des bons moments parce qu’il est impossible de décorréler notre amitié de l’environnement raciste dans lequel nous évoluons.

Je saisis également à présent l’importance d’avoir ne serait-ce qu’une amie noire dans ma vie (et là je parle au féminin puisqu’en tant que femme, je me sens plus proche des femmes noires que des hommes noirs). Cela n’engage que moi bien sûr mais je ressens le besoin d’avoir une amie avec qui je peux parler de racisme sans me censurer ou prendre des pincettes et qui saura comprendre les expériences que je vis en tant que femme noire. Je considère que dans ce monde raciste, nos ami.es noir.es peuvent être une grande force pour nous épauler, nous rassurer sur le fait que nous ne sommes pas seul.es et renforcer notre estime de nous-mêmes.

Sensibilisation, prise de distance ou rupture ?

Une fois qu’on a pris conscience de tout cela, que faisons-nous ? Devons-nous couper tout lien avec ces ami.es qui ont par moment des comportements problématiques (je vous renvoie vers la première partie de cet article pour comprendre de quels types d’ami.es je parle) ? Je pense qu’il n’y a pas une réponse unique à cette question mais je vais vous expliquer le raisonnement que j’essaie à présent d’appliquer face à ce genre de situations.

Si je sens que l’ami.e en question a agi par manque d’éducation, ma première réponse sera de lui expliquer en quoi son comportement est raciste et me blesse. Cela peut très bien se faire en deux temps : d’abord garder le silence parce que les mots justes peuvent nous échapper à l’instant t, puis remettre le sujet sur la table des jours plus tard soit lors d’une conversation en personne, soit par le biais d’un audio Whatsapp, soit de manière indirecte par l’envoi d’un contenu média ayant abordé le sujet… Néanmoins, cette réponse ne convient qu’aux ami.es prêts et prêtes à se remettre en question. Elle requiert aussi de l’énergie de notre part pour expliquer une énième fois des choses qui peuvent nous paraître évidentes.

Ma deuxième réponse si l’ami.e en question n’a toujours pas changé malgré mes alertes ou si je sens d’emblée que l’ami.e en question n’est pas ouvert.e à discuter de racisme sera de prendre mes distances. Par prendre ses distances, j’entends s’éloigner de la personne et choisir les moments qu’on souhaite continuer de partager avec cette dernière. Je crois sincèrement que la prise de conscience que j’évoque plus haut est l’élément déclencheur qui nous donne le courage de nous éloigner. Dès l’instant où nous avons compris l’effet néfaste du racisme dans nos vies et surtout sur notre santé mentale, il nous devient de plus en plus insupportable de continuer à alimenter ce type d’amitiés. Nous apprenons tout simplement à nous faire passer en premier.

Ma troisième et dernière réponse si la prise de distance ne suffit pas sera la rupture pure et dure de la relation. Je pense que ce cas de figure se présente souvent avec les ami.es d’enfance ou d’adolescence. En effet, il n’est pas rare de prendre des chemins différents et de réaliser ultérieurement que ces ami.es ne correspondent plus du tout aux personnes que nous sommes aujourd’hui. Être en paix avec notre identité noire, notre chère noiritude passe aussi par avoir un entourage qui respecte et embrasse cette identité 🤎.

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